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Lettre deFraternité de Lille (France)
Gabriel, Jean-Pierre PFJ, Christophe PFJ



    Diaire de Gabriel

  
Lille    Cela fait quelques mois que Christophe, Jean-Pierre et moi sommes dans notre nouvelle fraternité de Lille, avec une première semaine d’adaptation en profitant de la présence de frères étudiants qui étaient sur Lille : une manière de faire le passage pour chacun de nous vers de nouveaux horizons.

    Cette nouvelle aventure réveille en moi toutes les questions que je m’étais posées en entrant à la fraternité. Comme si se vérifiait, de façon plus significative, mon audace pour vivre ce don que je veux faire de ma vie. Le fait de ne plus être "à portée de main" des frères plus expérimentés, me met face à ma propre vocation, mes priorités, mes désirs, mes possibilités…

    Je repense aux voeux perpétuels de nos frères Andreas, Gianluca, Mirek (PFJ de Pologne) et à la petite soeur Elodie dans son premier engagement chez les Petites Soeurs du Sacré-Coeur. Je reste aussi marqué par le film "Des Hommes et des Dieux", retraçant cette vie donnée à Dieu et à au peuple algérien par les moines de Tibhérine. Au printemps dernier je finissais justement un livre sur Christian de Chergé (moine de Tibhérine). Cette façon de vivre la contemplation me saisit et m’interroge sur ma capacité à me laisser bousculer et transformer par la rencontre avec l’autre : ne pas voir la différence comme un handicap, mais comme une richesse pour atteindre cette unité de l’Homme en Dieu.

    Quand je vois la tournure de notre monde, je me dis qu’il nous reste bien du chemin à parcourir pour vivre cela, et pourtant il me semble qu’il y a urgence à ce que ça change.

    Cette petite réflexion me conduit vers ce nouveau défi de notre fraternité à Lille. Je suis avec ces deux questions : Comment enrichir notre vie fraternelle, inspirée à la fois des Petits Frères de Jésus et des Petits Frères de l'Evangile, orientée vers cette unité en Dieu ? Comment s’ouvrir et se laisser bousculer par l’Esprit qui est à l’oeuvre dans nos fraternités et dans le monde ?

    J’ai relu les documents sur l’histoire des Petits Frères. Je trouve que cette histoire est très bouleversante car les frères ont su affronter les défis d’une fondation en se laissant bousculer par une époque bien mouvementée : guerres mondiales, Vatican II, mai 1968… J’ai l’impression que ce qui a fait tenir nos fraternités c’est ce désir d’une vie fraternelle vécue en profondeur. Croire que c’est Dieu qui nous réunit et que c’est la Fraternité ensemble qui témoigne de lui. C’est là dessus, qu’avec Jean-Pierre et Christophe nous voulons nous appuyer. J’espère que nous tiendrons bon, et que l’Esprit Saint ne nous abandonnera pas (ou plutôt que nous ne l’abandonnerons pas) !

Gabriel   J’ai donc quitté mon quartier de Villeneuve-la-Garenne. Je n’avais pas imaginé que ce serait si difficile de dire "au revoir" et de laisser sur place tant de relations créées. J’ose imaginer la difficulté exprimée par certains frères de laisser une fraternité, un pays, un continent, après toute une partie de leur vie passée avec des personnes. J’admire la capacité de certains frères à pouvoir se réadapter d’autant plus qu’ils atteignent un âge respectable !

    Quand j’ai dû quitter mon travail à la maintenance du magasin Leclerc, on m’a demandé si ce choix d’une vie religieuse m’obligeait à devoir déménager souvent. De tout mon coeur, j’espère que non !

    À Villeneuve, mes relations principales étaient au travail. J’ai le sentiment que le Seigneur m’a accompagné dans cette insertion de Petit Frère. Le jour de mon départ, j’avais organisé un petit déjeuner dans la salle de pause des salariés (ce qui n’était pas vraiment dans les habitudes). C’était très chouette. Tout le monde est venu ou presque. Le soir, alors que je quittais le travail, on m’a guidé vers la salle de réunion où l’on m’attendait avec le champagne (nous étions peu à boire car beaucoup étaient musulmans). On m’offrit alors une grande carte remplie de petits mots écrits par les collègues… et une petite enveloppe dans laquelle était glissée une participation financière pour mon
déménagement. Le patron du magasin, présent lui aussi, m’invita à partager sur mon projet, lui qui deux ans auparavant, au moment de l’embauche, m’avait dit de façon provocante : "Je suis athée, ça vous dérange ?". Même si tout le monde connaissait déjà mon orientation religieuse et mon projet, j’ai été bien intimidé par cette façon officielle de témoigner sur mon choix de vie.

    Je rêve souvent de faire de grandes oeuvres, de sauver des gens… Dès que je lis des témoignages d’actions humanitaires ou quand j’entends parler de catastrophe, je voudrais partir sur le champ. Je me reproche souvent de ne pas en faire assez, d’être trop centré sur moimême. Et finalement, à travers ce travail dans le magasin Leclerc, j'ai découvert que c’était là que Dieu m’attendait et qu’il était présent dans mes collègues d’un quotidien apparemment banal.

    Et c’est là que la vie chez les Petits Frères prend tout son sens, carelle m’aide vraiment à grandir sur ce chemin.
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    A Lille, je suis plongé au coeur d’un passé ouvrier prospère (mines de charbon et textile) dans lequel les Petits Frères de Jésus étaient bien présents. Mais aujourd’hui, cette prospérité a laissé place à un chômage bien enraciné. La précarité ici est très marquée. Je suis frappé par le nombre de mendiants et de personnes qui vivent dans la rue. Il y a une réelle pauvreté qui semble toucher tout le monde, que l’on soit français depuis de nombreuses générations ou non. C’est très différent de la région parisienne, où les français "gaulois" (c'est-à-dire français depuis de nombreuses générations) ne semblent pas si touchés par la précarité.

    Je dois me laisser apprivoiser et accueillir par cette toute autre population.

    Avec Christophe et Jean-Pierre, nous sommes invités à inventer et faire du neuf… à l’image de la pharmacienne qui, en cadeau de bienvenue, m’offre un beau savon !

    Nous avons symbolisé la pose de la première pierre de notre fraternité par une célébration autour de l’Eucharistie. Nous étions réunis tous les trois avec nos frères Marc, Régis et Eric (de la fraternité de Lille Sud), Roland (de Roubaix) et Daniel (venu de l’Île St Denis exprès pour l’occasion).

    Au moment de la présentation des offrandes, nous avons posé, chacun de nous trois, une pierre (sous forme de galet) autour de la lumière pour représenter ce désir de fonder cette fraternité sur le roc. Les galets déposés, différents par leur forme et leur couleur, voulaient témoigner aussi de la richesse de nos différences dans cette fondation. Et puis, nous avons évoqué ce long voyage du galet dans le fond marin, qui se laisse travailler et polir : une belle image pour nous encourager à arrondir nos angles dans la vie fraternelle, et tout cela à la lumière du Christ.

    Par la suite, nous avons demandé aux présents de déposer à leur tour une pierre. Car nous voulions manifester que cette fondation ne peut avoir lieu qu’avec la collaboration de tous ceux qui nous entourent. Nous avons été bien surpris de recevoir, par nos frères, justement à ce moment-là, un pavé sur lequel étaient inscrites différentes paroles de la Bible en référence à la pierre!

    Le Seigneur a voulu, lui aussi nous faire un petit clin d’oeil, par une bénédiction du ciel à grandes eaux… une manière de nous dire "Bienvenue chez les Ch’tis"!

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