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ÉDITORIAL

    Voici quelques "diaires" : ces nouvelles périodiques que nous échangeons entre nous, et qui maintiennent le lien entre nos fraternités dispersées aux quatre coins du monde, nous présentent le vécu quotidien de nos frères en Italie comme en Allemagne, au Mexique, en Afrique, mais aussi à la découverte d'autres frères et d'autre fraternités.

    Dans ces récits, on sent souvent planer la prise de conscience de notre fragilité, du petit nombre, du vieillissement sans relève…, et cette fois-ci "notre soeur la mort" vient nous surprendre, avec le départ pour l'autre rive de deux de nos frères : un brouillard nous enveloppe, comme dans la parabole relayée depuis le Conseil Élargi1 : mais cela ne nous accable pas, ne nous empêche pas de garder, avec réalisme, l'Espérance.

    "Dans les années 60 et même après, il était de bon ton de se comparer à des nains qui voyaient loin malgré tout, parce que juchés sur les épaules de géants. L’optimisme régnait dans la société et dans la Fraternité. On croyait au développement indéfini pour tous, les noviciats étaient pleins, et nous fondions avec beaucoup d’enthousiasme aux quatre coins du monde. Cela n’allait pas parfois sans une petite pointe de triomphalisme. Aujourd’hui, un brouillard nous enveloppe, la visibilité s’en trouve très réduite pour tous, et les nains se trouvent confrontés à leur dimension réelle.

    Pendant le conseil élargi, nous nous sommes réveillés un matin au milieu d’une épaisse brume, et Giuliano a pris une photo qui offre un support matériel à notre parabole. La silhouette qui émerge au milieu du brouillard nous représente-t-elle ? Ne représenterait-elle pas plutôt Jésus qui marche quelques pas devant nous, qui sait où il va et où il nous emmène ? Le peu de visibilité ne nous permet pas de compter beaucoup sur nous, mais la silhouette nous permet de faire les pas qui viennent avec confiance.
    Pendant le conseil, nous avons pu regarder en face notre réalité : certains frères sont entrés dans le troisième âge (quelques uns s’acheminent vers le quatrième âge), et d'autres sont plus jeunes. Nous avons pu le faire sereinement et cette sérénité est sans doute le signe de l’Espérance et de la confiance que nous donne Celui qui marche avec nous. Cette réalité nous rend plus humble, et nous l'avons accueillie comme une grâce qui a rendu notre réunion "légère".
    De la silhouette qui émerge dans le brouillard, on voit les contours, les mêmes qui se dessinent nettement dans l’Evangile. Cela ne nous permet pas de voir loin (seulement à quelques mètres), mais cela nous permet de voir le présent à sa lumière et de mettre au centre les plus faibles : les frères âgés, les frères plus jeunes, quelques fils prodigues sur la voie du retour, quelques brebis perdues… Tous, nous avons besoin un jour ou l'autre d’être accompagnés, soutenus, encouragés.
    Cela nous permet aussi de ne pas éteindre la mèche qui fume encore… De permettre par exemple à certaines régions apparemment moribondes, de vivre comme région, essayant de rassembler les braises qui rougeoient encore sous les cendres et de souffler dessus comme nous pouvons... D’inviter les frères à faire le pas suivant en ouvrant des pistes pour le prochain Chapitre... De nous inviter à être une voix, une présence prophétique dans un monde qui est sans doute souvent encore plus dans le brouillard que nous, et de nous unir ainsi à notre petite place, à la mission de l’Eglise qui a la responsabilité de l’Espérance...
    Nous savons bien qu'au dessus du brouillard nous attend une lumière éclatante qui va nous restituer dans sa profondeur toute la réalité du monde et dont nous pouvons déjà deviner les premiers feux."

Oui, nous voulons témoigner de cette sérénité, de cette confiance qui nous vient de Celui qui marche avec nous.


Tullio


DECÈS DE FRERES

La "hermana muerte" (notre "soeur la mort") vous a visités de nouveau. C'est impossible de la laisser à la porte. Elle entre. Il y a un "boléro" intitulé : "Si tu me dices, ven." Je ne sais pas pourquoi cette musique tendre, tiède, d'après minuit m'est venue en tête. C'est l'amoureux qui dit à sa fiancée: "Si tu me dices, ven, lo dejo todo" ("si tu me dis : viens, j'abandonne tout"). Est-ce trop vouloir comparer la mort avec une aventure d'amour ? En tout cas cette chanson est restée dans ma tête toute la journée. C'est le Christ qui a tendu la main à Daniel… et il Lui a répondu: "J'y vais". Et voilà, il est parti sur l'autre rive. J'ai des sentiments contrastants : douleur… émotion... abandon... confiance... et je suis avec vous tous. Courage !
Message de José Luis pour la mort de Daniel



1 Le Conseil Élargi des Régionaux a eu lieu à Wavreumont, Belgique, en septembre 2013.