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Visite du Prieur au Venezuela
Giuliano Pallicca


    Bien qu’on continue à parler l’espagnol même en changeant de pays, voyager en Amérique latine signifie aussi s’exposer à de grands changements. Et cette fois j’en ai fait encore l’expérience.
J’ai passé deux jours à Lima avant d’arriver au Venezuela. Entre le monde andin de la Bolivie et le Venezuela que j’ai parcouru, il y a une belle différence, et pas seulement à cause de l’altitude (4.100 mètres à El Alto, 0 mètre à Lima, 800m à Caracas et 1.400m à Bojo). Dans la Bolivie où vivent les frères, on est exposé à chaque pas au monde indigène si envoûtant (Quechua et Aymara), et on est entouré de
montagnes magnifiques. Au Venezuela, on est dans le monde des Caraïbes avec sa population mélangée (indigènes, noirs, blancs, métis, mulâtres), sa musique et sa chaleur (j’avais parfois l’impression d’être dans un quartier latino de New York, en été).
Après le récit de Xavier des visites à Cochabamba et à Titicachi, il me reste à vous partager ce que j’ai vécu au Venezuela.

René B    A mon arrivée à Caracas, j’ai été accueilli par René, et puis nous avons rejoint la maison d’Elena. Pendant les jours passés à Caracas j’ai profité de son hospitalité pendant que René passait les nuits dans son pied à terre, dans le bas de l’ancienne fraternité de Jesús(3), Elena et les enfants. Ici, quand il vient à Caracas, il est le voisin de Yacobo, ancien
ami, bon musicien et bon cuisinier. Chez lui j'ai été introduit (mieux dire
réintroduit) à la musique traditionnelle et aux "arepas" (genre de tortillas de maïs, mais plus épaisses).
Avec Elena et René j'ai pu aller jusqu'au
tombeaux de Jesús, et ensuite aller visiter les Petites Soeurs de l'Evangile à los Teques. Avec Elena j’ai aussi participé à une réunion de gens (de différents credos et appartenances) qui veulent participer activement au processus social qui se vit dans le Venezuela de Chavez.

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    Enfin, avec René nous avons voyagé en bus jusqu'à Ciudad Bolivar où il passe une bonne partie de son temps. A Ciudad Bolivar, nous avons logé dans une petite maison située dans la cour d’un hospice pour personnes âgées que les soeurs franciscaines, qui gèrent l’hospice, gardent à sa disposition. C’est ici où René pense se transférer petit à petit.
A Ciudad Bolivar, nous avons visité l’évêque don Ulises, qui
apprécie bien René. Nous avons aussi rencontré un ancien militaire, bien connu de René, qui consacre beaucoup de temps à des investigations sur la situation de la région où se trouvent des mines d’or, dont l’exploitation met en danger la santé des indiens : il y aurait plusieurs activités illégales et pas mal de corruption. René aussi est très présent à cette situation qui a des conséquences graves pour les indiens, et il essaye de la dénoncer et de conscientiser. C'est une entreprise pas facile et qui peut être dangereuse. Nous avons aussi passé un bon moment à la "Maison des indiens", dans le quartier de "Hueco Lindo". Il s’agit d’un ensemble de maisonnettes autour d’une cour où les indiens, qui, pour différentes raisons (études, maladies, etc.), viennent à Ciudad Bolivar, peuvent résider dans un style proche
de celui qu’ils ont dans la forêt. C’est dans une de ces maisonnettes que René a sa chambre (bien austère), où il passe les nuits dans son hamac.
Accompagner les indiens dans ce moment de leur histoire ne doit pas être facile. Les mutations qu’ils doivent vivre les désorientent pas mal. J’admire la fidélité de René à ce peuple qui le pousse à choisir de rester ici, et je lui souhaite de pouvoir continuer sans tomber dans une certaine amertume parce que les choses ne vont pas toujours dans le
sens qu’on désirerait.
René m’a aussi fait visiter la ville de Ciudad Bolivar (sa partie coloniale est assez belle), et ensemble nous avons traversé l’Orénoque (fleuve large d'au moins un kilomètre), et nous avons passé un bon moment en mangeant du bon poisson, et bien sûr en dialoguant sur un tas de sujets, car René lit beaucoup et aime partager ses réflexions.

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Frat Sec

    Comme dans le programme il y avait aussi la participation à la
rencontre nationale de la Fraternité séculière, nous avons voyagé à Ciudad Guayana. Après la visite agréable à un parc nous avons visité des amis de René. Après un long moment de partage sur la situation du pays, ils nous ont accompagnés au lieu de la réunion, où nous avons retrouvé Joseito, Elena, Fidelina de Bojo et Rebeca de Sanare.
Pendant trois jours j’ai pu découvrir la réalité riche et inspirante des fraternités séculières du Venezuela et les liens très forts entre tous ceux qui s’inspirent du Frère Charles. Je comprends mieux maintenant ce que Joseito nous partageait à Bruxelles, de son espoir et enthousiasme de voir les fraternités séculières vivre et incarner ici le charisme de Charles de Foucauld. Les semaines de Nazareth qui se donnent chaque année à Bojo, et dont Joseito nous a aussi souvent parlé, continuent de contribuer à affermir cela. J’ai rencontré pas mal de gens qui sont enthousiastes d’avoir pu y participer. Même dans l'absence de vocations pour nous, il s'agit d'une belle fécondité pour nos frères au Venezuela. Qui sait si cela ne pourrait inspirer d'autres fraternités?

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Joseito    A la fin de la réunion René est reparti sur Ciudad Bolivar, et avec Joseito, Fidelina et Rebeca j'ai pris le bus de nuit pour Barquisimeto et Bojo. Et, après 24 heures de voyage, nous sommes arrivés à Bojo. Mario et Jaime nous attendaient, avec Angel, qui partage la vie des frères. Le lendemain, j’ai fait connaissance avec Luz Marina qui, tout en ayant son habitation et son travail à part, partage beaucoup de la vie et des engagements des frères.
J’ai passé 10 jours à Bojo : longs partages avec chacun des frères, réunions, visites à la coopérative agricole, au village et à la région, rencontres avec des amis des frères. Le temps a passé vite.

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    Après l’arrivée des frères, il y a 38 ans, s’est formée ici la coopérative agricole "Alianza", avec une orientation écologique, qui est devenue petit à petit une référence dans le pays. Et chaque mois, il y a des gens qui viennent pour se former à l’esprit de la coopérative et à la culture biologique. Comme Mario aime le répéter, cela demande que chacun se convertisse aux valeurs d’une vie plus humaine et d’une société plus juste. Ce message reçoit un accueil attentif dans le Venezuela d’aujourd’hui, et en particulier par ceux qui croient au projet du gouvernement actuel. J’ai pu participer à deux matinées de cette formation et j'ai pu apprécier le sérieux des participants. Jaime m’a introduit à toutes les activités et productions de la coopérative qui compte actuellement 25 membres. Joseito, tout en étant à la retraite, continue d’être très actif, surtout au niveau de l’organisation, de la comptabilité et de la distribution des produits. Un des défis actuels est la relève, une partie des membres étant à la retraite ou âgés. Accueillir des nouveaux membres suppose qu’ils vivent du même esprit, et beaucoup de jeunes qui ont étudié ne semblent pas s’orienter vers le travail des champs. Mais la coopérative a été et reste une réalité importante dans la vie des frères et de la communauté. C’est à la coopérative que les gens
ont organisé une grande fête pour accueillir Joseito après son retour de maladie et lui ont manifesté toute leur affection et leur gratitude. Une fois à la retraite, Mario a décidé de consacrer plus de temps à la formation des jeunes. Il donne même des cours à l’école, et il a aussi un groupe de Bible et un autre groupe de jeunes qui se réunissent ici à la fraternité. Mario garde le lundi pour tous ceux qui viennent se faire soigner, et ils sont nombreux. Sa renommée dépasse les collines alentour.
Le mercredi, la grande salle de la fraternité se remplit pour l’Eucharistie du soir. Le dimanche, on célèbre dans la chapelle du village. Les frères sont habitués à se lever tôt, car tous les matins ils prient à 4h30, et ceux qui travaillent partent de suite après. Mario et Joseito vont donc rester à deux après le départ de Jaime. Mais pas seulement deux, car il y a Angel, Luz Marina, les membres de la fraternité séculière, les gens de Bojo et les amis qui les entourent avec beaucoup d’affection, d'attention et de gratitude. Pendant les journées passées ici, j’ai rencontré de bons amis des frères qui m’ont introduit à la culture du Venezuela et de cette région. C’était passionnant de les accompagner et de les écouter. Ils m’ont aussi partagé leurs espoirs pour leur pays qui vit un moment plein de contrastes, mais riche en inspirations et possibilités.

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    Joseito m’a accompagné à Caracas pour mon départ. Nous y avons retrouvé Elena et son hospitalité. Avec elle nous avons pu participer à une rencontre de religieuses et religieux vivant en milieu populaire, rencontres auxquelles Jesús participait régulièrement. Cela a été une autre occasion pour découvrir les belles choses qui se vivent dans l’Eglise de ce pays. J’ai aussi rencontré un des "enfants" de Jesús et Elena (je l’avais connu quand il était lycéen). Il est maintenant député à l’assemblée nationale et professeur d’université. Il y avait aussi son épouse, et l’épouse d’un autre "enfant" de Jesús et Elena. Tout ceci nous a fait sentir de manière bien émouvante la présence de Jesús parmi nous.

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3) Notre frère Jesús Silva, décédé en 2011, a vécu de nombreuses années dans un quartier populaire en famille d'accueil avec Elena. Ils ont pu aider de nombreux enfants à devenir adultes.