La suite du Chapitre commence !

Rencontre des amisLe 29 juin, en fin de matinée, dernier vote du Chapitre. Il décidait de sa clôture. Avant la dispersion, une eucharistie a été célébrée pour rendre grâce pour ces trois semaines de partage. Le résultat, ce sont des Actes qui donneront soufflent aux fraternités ces prochaines années; c’est aussi l'élection d'une nouvelle Fraternité Centrale au service de la communion entre tous les frères; mais ce chapitre, ce fut surtout un temps très fort d'amitié entre des frères venus d'horizon différents, ainsi qu'avec tous les amis de la région venus rendre visite et donner un coup de main pratique. Moment marquant: la journée "portes ouvertes" du 27 juin.

La dernière semaine du Chapitre a été consacrée à approfondir les différents thèmes retenus, comme la formation, la vie communautaire. Chaque frère est amené à vivre, à cause de son engagement à la suite de Jésus et de sa volonté d’insertion, en lien avec d’autres ; il peut ressentir des conflits d’appartenance. Il peut y avoir tension entre, d'une part, la fidélité à un milieu donné et, d'autre part, la vie fraternelle et communautaire et ses exigences. "Notre engagement à la suite de Jésus en nous inspirant de frère Charles, nous amène à vivre des appartenances multiples, " constate le document présenté par le groupe de travail 'Insertion et fraternité'. Parfois, il faut faire des choix. Le discernement en fraternité est important.

A propos de la formation, le Chapitre relève que les jeunes ont besoin, à chaque étape, d'un accompagnateur. Conscient de l'évolution rapide de la jeunesse, cet accompagnateur doit aussi être formé. Après un premier contact avec une fraternité, étape déterminante, vient le postulat et le noviciat. Mais comment bien assurer ces étapes, vu le petit nombre de candidats? Il y a des pistes à creuser : collaborations, regroupements.

Le thème "argent – partage – communion" a permis une information claire de tous les frères à partir de la présentation des comptes de la Fraternité; recettes et dépenses de l'ensemble, mais aussi les questions de solidarité, d'assurances, de retraites. Le document final insiste sur la clarté et la transparence nécessaire dans ces questions d'argent, à tous les niveaux. "Notre discours sur la pauvreté et sur l'utilisation de l'argent n'a aucun sens s'il n'est pas porté par une vraie communion fraternelle."

Dernière votation au ChapitreLe dernier texte voté est le gros "morceau" du Chapitre; déjà parce qu'il a été l'objet d'un important travail préparatoire qui a porté ses fruits à Gubbio. Le document "obéissance – communion"  est placé en tête des actes; c'est une sorte d'introduction aux autres textes, parce qu'il s'agit d'une exigence de fond de la vocation des petits frères. Les capitulants sont partis de la vie des fraternités, relevant des événements récents qui témoignent d'un vrai esprit de 'communion et obéissance', comme la fondation de Ciudad Hidalgo, donc aussi le départ des Etats-Unis. Ils n'ont pas ignoré les problèmes, l'individualisme pointe parfois son nez. Citations : "Acte d'abandon dans les mains du Père, l'obéissance se vit dans l'optique de la construction de son Royaume; elle nous oblige donc à constamment ouvrir notre horizon. Par la Fraternité, elle nous met en communion avec l'Eglise et avec les gens." Ceux qui nous entourent nous ouvrent à la dimension du service et de la participation. "Nous sommes obéissants avec eux, et même «à eux»", écrivent les capitulants. Ce texte a été approuvé, après quelques lectures et relectures, à l'unanimité. Le résultat de ces votes indique bien la communion qui a régné durant ce Chapitre.

Ces derniers jours, ce furent aussi de nombreuses visites. L'évêque de Gubbio, Mgr Mario Cecobelli est venu nous parler de son diocèse; il n'est pas grand mais le nombre des églises, des paroisses, des congrégations ne simplifie pas l'unité de la vie pastorale; il s'est dit heureux de l'apport des religieux à toute la vie de l'Eglise, "dans la variété de leurs styles et de leurs charismes".  Samedi, journée "portes ouvertes". Rencontre très sympathique qui a rassemblé les frères de Spello et d'autres régions de l'Italie, et même de beaucoup plus loin, des petites sœurs, des membres d'autres branches de la famille 'Charles de Foucauld', prêtres Jésus Caritas, Fraternité séculière, Discipole del Vangelo… Présence aussi du doyen des frères, Arturo Paoli, 97 ans; dimanche soir, il est venu parler de son histoire en Amérique latine et de son activité actuelle, la maison ‘Carlo de Foucauld’.

A la fin de la messe d'envoi, chaque frère a reçu un plat décoré de la scène où saint François caresse le loup de Gubbio, animal qui terrorisait les habitants de la région. "Nous avons toujours besoin de convertir le loup qui est en nous", a commenté Giuliano.

 

Un long ministère avec des jeunes

 

Mardi soir, un prêtre d'une paroisse de la banlieue de Citta di Castello, Achille Rossi, est venu parler de son ministère, ou plutôt de sa passion: les jeunes. "Cela a commencé il y a bientôt 40 ans, nous a-t-il expliqué. Je m'occupais des adolescents chaque après-midi. En Italie, l'école finit à 13 heures… Et je n'ai pas changé de paroisse, ni d'engagement. Je me suis plongé dans ces relations avec ces jeunes, en étant complètement immergé. J'ai appris qu'on s'éduque ensemble Le P. Achile avec notre prieuravec la médiation du monde."  Mais ce monde, constate-il, est en crise: tout est marchandise, l'homme et ses valeurs sont oubliés, le nihilisme prédomine. A la suite  d'autres penseurs qui l'ont influencé (Paolo Freire, Marcel Légaut, Raymond Panikar), il prône une nouvelle anthropologie: il faut une vision de la vie qui cultive l'humain, qui le place au centre, et dans une relation. Le P. Achille propose une nouvelle vision plus éthique de l'avenir, déjà dans les mécanismes économiques: justice dans la distribution des biens, choix écologiques pour empêcher la catastrophe, valeurs culturelles... "Et là, l'inspiration religieuse évangélique a sa place." Mais la clef, pour lui, est la relation, l'écoute; "Et, dans la profondeur de l'homme, on peut écouter le divin," assure-t-il. Au centre de son engagement, et de toute activité de ce genre, il doit y avoir la relation humaine, a-t-il répété.

Cette vision de l'homme et de la société est partagée par d'autres. Leurs réflexions, leur recherche ont donné naissance à une revue, "L'altrapagina", éditée depuis 26 ans. "Il ne s'agit pas de diffuser des idées, il faut parler de notre vie, partir de ce qui est vécu localement, l'éclairer; faire redescendre dans le concret de la vie l'analyse des grands thèmes et problèmes de nos sociétés," commente Don Achille.

Avec ces jeunes qu'il côtoie depuis si longtemps, il voit générosité, idéalisme, engagement pour les autres. "Mais cette substance est enfermée dans une carapace qu'il faut percer. Le problème des jeunes, c'est qu'ils sont très vite des adultes façonnés pour être consommateurs." Le bagage qu'ils ont au début de la vie est trop léger: carence de sens. On se concentre sur l'immédiat, il leur manque la nourriture essentielle. Les jeunes sont dépourvus de rêves. Je vois en eux une grande solitude; comme ils sont seuls, il leur est difficile d'exprimer leurs sentiments et, résultat de la solitude, ne sont intéressés par rien. Alors, que faire? On ne s'éduque que par et dans une relation. Il faut créer des tissus de relations, déjà comme réponse à la solitude. Et l'éducation, c'est vivre avec, ce n'est pas le résultat de théories psychologiques ou autres. Dans ce monde violent, il faut une éducation à la tendresse; la force de l'homme, c'est l'écoute, pas la violence. Et, avec les jeunes, on peut demander l'impossible: leur générosité fait le reste. L'enthousiasme, c'est la racine de la vie; à comprendre dans une perspective de foi, cette foi qui déplace des montagnes. Achille Rossi nous a aussi dit sa chance de vivre en communauté avec un autre prêtre engagé dans une maison d'accueil pour toxicomanes, et dans la même paroisse depuis longtemps. "Par contre, les évêques du diocèse ont souvent changé!"

(fr Yvan à Gubbio)