J'ai
eu la chance et le plaisir de passer Noël à Spello. Avec bus
direct de Leipzig à Florence et j’ai donc pu arriver à Spello le
24 décembre dans l’après-midi. Peu après, Giorgio est arrivé
sur son vélo-électrique pour passer trois jours en communauté
fraternelle.
Dehors,
un vent glacial soufflait, mais le ciel était clair et bleu. Et les
jours suivants, le paysage était également baigné d’une lumière
magnifique. Le sommet du Subasio était recouvert de neige comme un
''panettone'' glacé au sucre blanc.
Nous
avons célébré la fête de la Nativité dans le silence et
l'isolement de la vallée de Chiona. Yves avait préparé un dîner
de fête et, dans la nuit, nous avons célébré l’eucharistie à
cinq. Le mystère de Dieu qui vient à nous dans les signes les plus
insignifiants : un enfant, un rayon de soleil qui réchauffe, un
regard amical, un morceau de pain, une gorgée de vin.

La
proximité de François d’Assise était palpable. Ce mystère de la
naissance de Jésus était si important pour lui qu’il a mis en
scène la première crèche du monde à Greccio. Assise est la ville
jumelle de Bethléem. L’évangile de Noël, qui place la naissance
de Jésus dans le contexte de l'histoire mondiale, nous a rappelé
les événements en Syrie (où Quirinus était gouverneur), en Israël
et en Palestine.
Le
25 décembre, nous avons écouté la méditation de l’évangéliste
Jean sur le mystère du Christ : « Au commencement était
la parole ». Or, une parole n’a de sens que si elle est
entendue. Il en va donc de même : « Au commencement était
l’oreille ». Bien avant que le nouveau-né ne commence à
voir, il peut déjà entendre. Après la peau, l’ouïe est le
deuxième organe de l’être humain à fonctionner pendant son
développement embryonnaire. Le toucher vient en premier et l’ouïe
juste après. Dans le ventre de leur mère, les enfants entendent la
voix de leur mère dès le troisième mois et apprennent le son de sa
langue. Le modèle de base de l'écoute, de la compréhension et de
la parole est déjà établi à ce stade.
L’oreille
est si importante pour le corps qu’il n’y a pas d'autre endroit
dans le corps où se terminent autant de nerfs que l’oreille.
Le
message de Noël nous invite à devenir des auditeurs de la Parole.
Et pour cela, le silence est nécessaire, comme le formule un verset
d’entrée de la liturgie de Noël : « Alors que le
silence profond enveloppait l'univers et que la nuit était parvenue
jusqu’au milieu, ta parole toute-puissante, ô Seigneur, descendit
du ciel, du trône royal ». (Sg 18, 14s).
L’oreille
interne abrite également l’organe de l’équilibre (systhème
vestibulaire). Il sert, avec les yeux et la sensibilité de surface
et de profondeur, à maintenir l'équilibre.
L’écoute
de la Parole apparue en Jésus vise à établir un nouvel équilibre :
L’équilibre de la terreur, la dissuasion par les armes et la
violence doivent prendre fin. La botte sanglante du soldat doit
devenir la proie du feu. Un nouvel équilibre doit être établi,
fondé sur la justice. Les rois s’inclinent devant un enfant, les
petits sont élevés.
Noël
à Spello. Yves, avec ses problèmes d’acouphènes, m’a fait
prendre conscience d’une manière nouvelle du miracle de l’écoute.
Psaume 40.7 : « Dieu ne veut pas de sacrifices, mais il
nous a préparé des oreilles ! » L’oreille humaine est
un organe extrêmement sensible, ce qui nous rend capables de
percevoir les mots, les messages, les discours et même le silence.
L’oreille
joue également un rôle crucial pour nous permettre de rester en
équilibre. Je suis vraiment heureux qu’Yves ait retrouvé son
équilibre intérieur après une période de soucis. Même si sa
capacité auditive reste limitée, j’ai eu l’impression qu’Yves
était redevenu « comme avant » (nous ne sommes jamais
tout à fait comme avant !). En même temps, dans une
conversation avec Yves nous devons nous aussi devenir sensibles au
volume et à la clarté. Au début était la parole. Et ceux qui
peuvent l'accueillir de manière juste deviennent des enfants de
Dieu, des sœurs et des frères.

Yves,
Gabriele et Alberto ont pu bien gérer les mois passés grâce à
l'attention et aux égards fraternels. Même la récolte des olives,
qui pouvait être source de soucis, s’est bien déroulée. (Grâce
aussi à l’aide de Sandro de Bruxelles et de Mario de Monopoli, en
tant que maître de cuisine). Yves est reconnaissant de pouvoir à
nouveau ressentir le lien avec la terre, avec les oliviers, avec les
voisins. Ce sont des racines d'où jaillissent la joie et l'énergie.
Giorgio
m’a témoigné qu’il est très satisfait de sa vie. Il n’est
certes pas (comme Charles de Foucauld à Beni-Abbes) “moine et
missionnaire”, mais bien : moine et frère. Il vit au rythme
clair d’un moine avec la prière et l’étude. Mais en même
temps, des liens se sont tissés avec le voisinage. Le plaisir des
petites rencontres donne un peu de saveur à chaque journée. Il
s’occupe avec attention d’une voisine souffrant de troubles
psychiques. Grâce aux médias, il peut rester en contact avec de
nombreuses personnes qu’il a rencontrées au cours d’une longue
vie : Ce sont des relations virtuelles et en même temps très
réelles.
Gabriele
se réjouit d’une longue période de santé stable, surtout en ce
qui concerne la digestion. Avec Alberto, ils ont pu assumer l’accueil
en été. Comme le nombre d’ermitages diminue continuellement
depuis des années, l’entretien des maisons prend de moins en moins
de temps et d’énergie. L’aménagement des deux petits
appartements à Beata Angela constitue un défi. Lorsque ceux-ci
seront terminés (et peut-être bientôt !), l'accueil restera
limité à cette maison et à S. Elia. Il ne sera plus nécessaire de
parcourir de longues distances entre les ermitages, ce qui
facilitera l'organisation de l'accueil. Gabriele a ainsi de plus en
plus de chance de trouver un engagement en dehors de la vallée de la
Chiona, dans une association, par exemple à Foligno.
Alberto
apprécie son travail de physiothérapeute au Seraphico. Cela lui
donne un bon rythme et lui permet d’avoir des contacts avec ses
collègues de travail et les enfants handicapés. Parfois, il y a des
tensions entre collègues (comme c’est souvent le cas dans le monde
du travail). Il est alors utile de se concentrer sur le véritable
objectif du travail : aider les personnes handicapées. Pour nous,
cinq frères, l'invitation des Petites Sœurs de Jésus à Assise a
été un cadeau de Noël particulier. Elles nous avaient préparé un
déjeuner avec beaucoup d’amour. Je n’ai jamais mangé un arbre
de Noël aussi savoureux (en pâte feuilletée, farcie d’épinards,
décoré de tomates et d'olives). Et notre excursion (sans Giorgio) à
Gubbio, par un temps magnifique et avec un repas savoureux chez Anna
(avec ses filles), fut également bien appréciée. Pour finir la
journée, nous avons pu nous promener dans Gubbio avec Michela et
Giuseppe et admirer le plus grand sapin de Noël du monde.
Je
remercie les frères pour leur bel accueil, pour les jours paisibles
de Noël à Spello. Dieu a pris notre forme de vie humaine par la
naissance de Jésus. Et nous aussi, nous pouvons devenir humains en
adoptant avec amour, la forme qui nous convient. Parfois, cela
signifie aussi : réduire. Les forces qui diminuent avec l'âge
nous invitent à nous défaire de certaines choses. Mais cela permet
aussi de découvrir de nouvelles qualités : la lenteur, la
satisfaction avec moins, la qualité des relations, la concentration
sur les priorités. Quand j'étais jeune, je voulais changer le
monde. Plus tard, je voulais au moins me changer moi-même. Comme les
deux n'étaient pas possibles, j'ai appris que l'essentiel était
d'accepter avec amour les changements qui se produisaien.
Andreas
