J’ai
été heureux de visiter la fraternité à deux pôles (pas
bipolaire !) de Villeneuve et de l’Île-Saint-Denis. C’est
une fraternité qui marche bien. Et tous les frères sont en forme et
vont à leur rythme. J’ai moi-même été postulant à Villeneuve
en 2000/2001 et je peux désormais dormir à nouveau dans la chambre
dans laquelle j’avais vécu à l'époque. J’ai ressenti un peu de
nostalgie…
Les
frères habitent un HLM (« Habitat à Loyer Modéré ») à
Villeneuve et sur l’Île-St-Denis. Beaucoup de choses se sont
passées depuis mon époque : de nombreux bâtiments ont été
rénovés. D’autres ont été nouvellement construits. Dans
l’ensemble, on constate que l’administration essaie de mélanger
davantage la population. À Villeneuve et plus encore à Saint-Denis,
il y a beaucoup de personnes issues de l’immigration venues du
Maghreb, de l’Outre-Mer et de bien d’autres cultures. Sur
l’Île-Saint-Denis, par exemple, on compte environ 85 nationalités
différentes. On peut arriver rapidement à Paris depuis la gare de
Saint-Denis et c’est pourquoi de nombreuses personnes vivent dans
cette banlieue, où il est plus facile de trouver des appartements
moins chers. Parallèlement, Villeneuve et l’Île-Saint-Denis
offrent de nombreux espaces verts et de bonnes possibilités de
loisirs (culture, sport…) Et j'ai remarqué un autre changement :
25 ans de présence des frères environ à Villeneuve (et 15 sur
l’Île-St-Denis) ont tissé beaucoup de relations : quartier,
clubs, gymnastique, paroisse. Dans le quartier, difficile de marcher
vite avec les frères : on les interpelle souvent ou ce sont eux
qui s’arrêtent parler aux gens. Un vaste réseau de relations
s’est développé : une fraternité en route vers une
“fraternité universelle”.
Les
frères vivent un beau rythme communautaire : ils se réunissent
deux jours par semaine pour prier ensemble, partager un repas et
célébrer, une fois par semaine, l’Eucharistie.
Les
frères s’entraident et aiment être ensemble. Chacun a trouvé sa
place dans la fraternité et aussi à l'extérieur dans différents
engagements (dont je ne citerai que quelques exemples), ou dans
l'accompagnement de personnes fragiles. J’ai été reçu très
chaleureusement et j’ai ressenti l'atmosphère paisible de cette
fraternité. Même la présentation de la comptabilité commune 2023,
à laquelle j'ai pu participer, s’est déroulée dans une grande
sérénité et accord (car l'argent est souvent un point où les avis
divergent !).

J’ai
aussi profité de mon séjour dans cette fraternité qui marche bien
pour me promener. Gilles se rend dans les parcs
environnants plusieurs fois par semaine avec une ou plusieurs
copines.
J’ai
vraiment aimé partager les conversations tout au long du parcours
Gilles
a parlé de son époque de chasseur (Canada, Cameroun) et j’ai
découvert que sa passion pour la chasse remonte à son enfance (à
partir de 5 ans !) Il se déplace toujours bien à pied,
même dans de plus grands groupes comme “Marche et Parole”
(organisé chaque année par les PSJ). Et, bien sûr, le pèlerinage
à Saint-Gilles, auquel il participe chaque année. Quelle
merveilleuse coïncidence que Gilles puisse faire si souvent des
pèlerinages sous le patronage de son homonyme ! Gilles
travaille, deux fois par semaine, comme bénévole dans un “resto
du cœur”. Je l’ai accompagné et j’ai été très impressionné
par les nombreux bénévoles qui, en plus de distribuer de la
nourriture, proposent également un cours de langue ou un atelier
avec machine à coudre. L’atmosphère lors de la distribution de la
nourriture est très calme, paisible et respectueuse.

J’ai
aussi fait une longue promenade avec Jean-Claude le
long d’un canal de Saint-Denis. Jean-Claude travaille comme
bénévole à “Dom-asile” : Les immigrés et
particulièrement les demandeurs d’asile peuvent s’y inscrire
pour recevoir une adresse permanente. Ce qui leur permet, par
exemple, de récupérer leur courrier administratif. Jean-Claude m’a
raconté qu’à cause de sa maladie, il s’est contenté, pendant
un temps, de trier et de distribuer le courrier. Mais à présent, il
est à nouveau beaucoup plus proactif et cherche à parler aux gens.
Il a également ravivé ses anciennes amitiés, ses visites, ses
appels et ses voyages vers ceux qui vivent plus loin. Il parle de sa
« résurrection ». Cela m’a ouvert les yeux vers un
aspect central de la résurrection : nous ressusciterons dans
notre réseau de relations ! La vie éternelle ne se déroule
pas seulement dans la relation avec Dieu, mais aussi
horizontalement : nous nous retrouverons dans une relation
vivante avec toutes les personnes qui sont devenues chères.
Tullio
s’engage également auprès des personnes sans domicile fixe,
notamment les “gens du voyage”. Et cela depuis 20 ans !
Il se rend encore une fois par semaine à l’association “Solidarité
Jean Merlin” à Paris pour répondre aux demandes téléphoniques
concernant l’arrivée du courrier. Les inscrits à l’association
voyageant beaucoup et étant souvent éloignés, le contact
téléphonique est très important. Avec une grande fidélité,
Tullio rend également chaque semaine visite à une dame âgée qui
risque de se noyer dans la mer de ses papiers, de ses comptes
bancaires et bien d’autres choses. Là aussi, l’expertise et la
patience de Tullio sont précieuses. Enfin, Tullio se rend également
en Bretagne, une fois par mois, pendant quelques jours pour visiter
et soutenir Yvette. Les rencontres de la communauté laïque “Charles
de Foucauld” sont toujours intégrées à ces visites.
Daniel
bouge aussi beaucoup : en plus de ses petites promenades
quotidiennes, il se rend également à Bruxelles une fois par mois
pour la réunion de la Fraternité Centrale. Il aime beaucoup
enseigner le français à des immigrés. Je l’ai accompagné à un
cours et je peux attester qu’il est un bon professeur.
J’ai
pu apprendre moi-même quelques nouveaux mots et, lors d'un test,
j'ai obtenu 9 points sur 10 ! En raison du Covid, certaines
activités des associations avaient un peu ralenti. (Dans de nombreux
domaines, il existe un avant-Covid. et un post-Covid : Ce n’est
pas la naissance du Christ qui représente le tournant de temps, mais
“ante-Corona” et “post-Corona” !). Donc Daniel est à
nouveau en train d’augmenter son budget horaire d’enseignement du
français. Personnellement, je lui suis très reconnaissant de
toujours accepter de m’aider à corriger des lettres ou des
rapports afin que mon français soit correct et compréhensible.
Je
suis aussi allé à l’Hôpital avec Paul-André, où il collabore
dans une “cafète” deux fois par semaine… Il le fait avec une
grande joie : préparer du café ou du thé et servir les
résidents. Cela inclut également une petite conversation ou un
petit jeu, par exemple avec Francky.
En jouant moi-même, j’ai presque toujours perdu à “Puissance
4”, mais avec les cartes de “Uno” j’ai pu sauver l’honneur
de la Fraternité !
Paul-André
s’implique également dans la paroisse (groupe de liturgie,
catéchuménat…). Et cela, malgré le fait que le style de la
pastorale a beaucoup changé. Je ne me sentais pas non plus tout à
fait à l’aise dans les eucharisties trop solennelles et dans des
formes très classiques. Et, personnellement, je me demande souvent
en Allemagne si je peux encore trouver ma place dans la forme
actuelle de l’Église qui est perturbée avec ses nombreux
scandales et incohérences.
Une pensée de G-K Chesterton
m'aide : Si vous découvrez que votre mère est alcoolique, vous
ne la quitterez pas. Mais vous savez : en ce moment, je dois rester
avec elle parce qu’elle a besoin d’aide (et souvent elle n’arrive
pas encore à l’accepter !). Serait-ce une indication de la
manière dont je peux rester en relation avec l’Église, ma mère ?

Ma
visite à Villeneuve et à l’Île-Saint-Denis m’a apporté une
grande joie : j’ai retrouvé les frères en bonne forme. Bien
sûr, l’âge se fait sentir, mais tout le monde est en bonne santé.
J’ai pu aussi ressentir comment les frères s’accompagnent et se
soutiennent mutuellement. Mais surtout, tous les cinq vivent beaucoup
de belles choses, de manière équilibrée.
Après
le départ de Xavier vers Nyons, il reste désormais une chambre
libre qui attend Bernard B. à Villeneuve. Et pas seulement une
chambre, mais un accueil chaleureux et fraternel !
Mon
voyage de retour sur l’Allemagne m’a encore enseigné : la
Fraternité marche bien, mais la société des trains Deutsche Bahn
ne marche pas du tout ! Mais ceci est une autre histoire …
Andreas
Promenade » sur les quais de Seine
à Villeneuve-la-Garenne